Rémunération à l'ancienneté et ajustement du marché du travail
La manière dont le marché du travail s'ajuste au choc démographique est au centre des préoccupations des politiques du marché du travail. En effet, le vieillissement de la population pourrait affecter la capacité de l'économie à s'ajuster, non seulement au choc de vieillissement lui-même, mais aussi aux chocs engendrés par les cycles économiques, le commerce international et les changements technologiques (Kuhn, 2003). La présente étude contribue au débat portant sur la manière dont les entreprises s'ajustent à un environnement devenu de plus en plus turbulent. Entre autres, le salaire à l'ancienneté a été identifié comme l'un des facteurs qui pourraient freiner la capacité des entreprises à s'ajuster au marché, dans un contexte de vieillissement de la main-d'uvre. Cette étude se penche sur le recours aux emplois non standards (ou la flexibilité numérique) et l'adoption de la rémunération variable comme stratégies d'évitement du salaire à l'ancienneté. En utilisant des données uniques qui apparient les employeurs et les employés au niveau des établissements, nous avons estimé l'impact de la composition démographique des établissements sur le recours à l'une ou l'autre des stratégies de flexibilisation. Nous concluons que la composition démographique des établissements n'est pas associée à la probabilité de recours à la rémunération variable. Par contre, la proportion des travailleurs âgés (45 ans et plus) dans un établissement est associée positivement à la probabilité de recourir à la flexibilité numérique. De même, une complémentarité entre les deux stratégies de flexibilisation a été mise en évidence. Les implications politiques de ces résultats sont multiples. Si les entreprises continuent à avoir des difficultés à instaurer des systèmes de rémunération flexible, elles continueront de s'ajuster en recourant à la flexibilité numérique. Bien que cette flexibilité ait permis aux travailleurs âgés de combiner le travail avec une retraite progressive, aux femmes de combiner le travail avec les soins des enfants et des parents, et aux jeunes de combiner le travail et les études, elle peut avoir des effets néfastes à long terme. Cette stratégie de flexibilisation peut entraîner, à long terme, un sous investissement dans la formation, un manque d'épargne-retraite ainsi qu'une accentuation des inégalités salariales. Le défi de la nouvelle génération des politiques publiques consiste à identifier le compromis entre les incitatifs et les programmes d'activation qui permettrait d'atteindre un équilibre entre les impératifs économiques (la flexibilité) et les aspirations sociales (la sécurité).
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